Page:Lissagaray - Jacques Bonhomme, Armand Le Chevalier, 1870.djvu/109

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femme traverse au bras de son mari tenant son enfant par la main ; on entendit trois soldats se partager la besogne : À toi l’homme, à toi la femme, à toi le môme, et trois cadavres roulent la face contre terre. Les trottoirs ruissellent de sang, les cuvettes creusées autour des arbres en sont pleines. Comme aux jours d’orage, les ouvertures des égouts sont obstruées, mais cette fois de débris humains.

Le soir les troupes bivouaquèrent sur place, buvant, riant, chantant, faisant ripaille. Les officiers cassaient entre eux des rouleaux de louis. Ainsi l’on raconte qu’en Amérique les sauvages chantent et dansent autour des cadavres de leurs ennemis. Beaucoup de citoyens qu’on emmenait en prison furent fusillés en route. La nuit on entendit des décharges continuelles à la Préfecture de police. Que d’hommes arrêtés dont on n’a jamais connu le sort !

Où furent enterrées les victimes ? On ne sait. Quelques unes dans les cimetières, et leurs vêtements ne contenaient ni argent ni bijoux, toutes les poches avaient été retournées. Mais la Seine cacha bien des cadavres. Combien étaient-ils ? On l’ignore. Des témoins occulaires parlent de