Page:Lissagaray - Jacques Bonhomme, Armand Le Chevalier, 1870.djvu/83

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rures, soigneusement gardé par ses généraux, il fuyait en traîneau, abandonnant aux tourbillons de neige et de Cosaques les derniers débris de son armée. Et comme la France, demi-morte d’angoisses, demandait aux rafales une parole de mort ou de vie, sais-tu, Jacques Bonhomme, quelle est la première nouvelle qu’il daigna lui donner ? C’est que « jamais sa santé n’a été meilleure, » c’est « qu’il engraisse à cheval. » Oui, Jacques, voilà le premier bulletin qu’à nos mères agonisantes cet homme jetta pour consolation. Et pendant que la nation pleurait ses morts sans pouvoir, hélas ! les compter, il ne s’inquiétait lui, que de son héritier qui criait et bavait au berceau, lui qui avait laissé en Russie cinq cent mille enfants du peuple, et du vrai peuple celui-là, car les riches, à force d’argent, échappaient à la conscription, mais Jacques, n’ayant que son sang, était bien forcé de partir.

Et cependant en 1814, à la première invasion, le jour où il entendit gronder le canon aux portes de Paris, Jacques oublia tout, sa Révolution ravie et ses blessures saignantes. Il voulut marcher, couvrir les hauteurs, il demanda des armes.