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livré Paris. Vous, vous alliez rendre l’Alsace et la moitié de la Lorraine. Trochu, Favre, Picard et Simon n’avaient donné que deux cents millions. Vous alliez tendre cinq milliards. Vous parliez de l’impossibilité de continuer la guerre, de l’obligation de sacrifier dans le présent pour préparer l’avenir. Nous disions, nous, que si le présent était honteux, l’avenir serait infâme, qu’il fallait réveiller à tout prix la nation, fût-ce à coups de désastres, qu’une paix achetée était la seule ruine irréparable.

« Le crime fut consommé. Que fîtes-vous alors pour ranimer ce corps vide de sang ? Tous les hommes généreux s’offraient à l’œuvre de résurrection. On sentait qu’il fallait refaire un organisme à cette nation appauvrie, retourner d’un soc impitoyable ce sol endurci, remettre la France sur l’enclume, et sous la gueule des canons prussiens, forger l’arme de l’avenir. Ces résolutions viriles adoucissaient les douleurs de la défaite. Les grandes villes débordaient de dévouements. La plus grande, Paris, amaigrie par six mois de siége, chancelante et affamée encore, était prête, pour fonder la République, à se rejeter dans la fournaise. Vous répondîtes en décapitalisant Paris, en le ruinant par la loi sur les loyers et les échéances, en supprimant ses journaux, en condamnant ses meilleurs patriotes, en lui donnant pour maîtres des