Page:Lissagaray - Les huit journees de mai, Petit Journal Bruxelles, 1871.djvu/107

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plaie où l’œil gauche et la cervelle se confondaient dans un mélange noirâtre ; l’œil droit, ouvert, hagard, gardait une affreuse fixité. »

Ce ne fut que dix jours après que son corps fut rendu par les soldats et enterré au cimetière Montmartre.

Sa fin courageuse lui sera comptée. Il a conquis le repos. Mais ceux qui le firent tout-puissant seront à jamais responsables de tous les actes de sa dictature.

Non loin de l’endroit où il périt, l’armée massacra quarante gardes nationaux faits prisonniers dans une rue voisine du Panthéon. Un colonel les fit mettre en rang, et dit à l’un d’eux : « Vous, allez dans ce coin, » et il montrait un mur, distant d’une trentaine de pas. Le fédéré obéit, et avant d’atteindre le mur, il tomba fusillé par derrière. « A vous, maintenant, » dit le colonel en indiquant un autre prisonnier. Celui-là ne pouvait avoir le moindre doute, ayant vu le sort de son camarade. Et cependant sans dire un mot, calme, le front haut, les bras croisés, il Se mit en marche, et, comme le premier, il tomba foudroyé avant d’avoir atteint le mur. « A un autre, » dit le colonel. Trente-huit fois, cette horrible scène se répéta, et trente-huit fédérés, l’un après l’autre, marchèrent à la