Page:Lissagaray - Les huit journees de mai, Petit Journal Bruxelles, 1871.djvu/184

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Chez un marchand de vin de la place Voltaire, nous vîmes, le dimanche matin, entrer de tout jeunes soldats ; c’étaient des fusiliers-marins. Ils étaient, nous dirent-ils. de la classe 1871. Leur teint était pâle, leurs gestes lourds, leurs yeux voilés. — « Et il y a beaucoup de morts ? » dîmes-nous. — « Ah ! répondit l’un d’eux d’un ton lassé, nous avons ordre de ne pas faire de prisonniers ; c’est le général qui l’a dit. (Ils ne purent même pas nous nommer leur général !) S’ils n’avaient pas mis le feu, on ne leur aurait pas fait ça… mais comme ils ont mis le feu, il faut tuer (textuel) ». Il continua comme parlant à son camarade : — « Ce matin, là (il montrait la barricade de la mairie), il en est venu un sans uniforme et sans fusil. Nous l’avons emmené. — « Vous n’allez pas me fusiller peut-être » a-t-il dit. — " « Oh ! que non. » Nous l’avons fait passer devant nous, et puis… pan… pan…, même qu’il gigotait drôlement. » Mais dîmes-nous, vous avez retrouvé vos camarades faits prisonniers le 18 mars ? — Oui. — On les a même bien traités. — Oui, ils n’avaient qu’à manger, à boire, à dormir et à se promener comme ils voulaient.[1] — Eh bien ?… Ils n’eurent même pas l’air de comprendre.

  1. En effet, la Commune respectant les scrupules