Page:List - Système national d'économie politique, trad Richelot, 2è édition, 1857.djvu/324

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à de vieilles habitudes, à de vieux usages et à de vieux procédés, le défaut d’éducation, de bien-être et de liberté. Le désir d’un continuel accroissement des biens moraux et matériels, l’émulation et l’amour de la liberté caractérisent, au contraire, le pays manufacturier et commerçant.

Cette différence s’explique en partie par la différence de genre de vie et d’éducation des agriculteurs et des manufacturiers, en partie par celle de leurs occupations et des ressources qu’elles exigent. Les agriculteurs vivent dispersés sur toute la surface du pays et n’entretiennent les uns avec les autres que des rapports éloignés. L’un fait à peu près ce que fait l’autre, et leur production est généralement la même. Ce sont à peu près les mêmes choses qu’ils ont en excédant ou dont ils ont besoin, et chacun est le meilleur consommateur de ses produits ; il ne s’offre, par conséquent, que peu d’occasions de commerce moral et matériel. Le cultivateur s’adresse moins aux hommes qu’à la nature inanimée. Accoutumé à ne récolter là où il a semé qu’après un long intervalle, et à s’en remettre a la volonté d’une puissance supérieure du succès de ses efforts, la modération, la patience, la résignation, mais aussi la nonchalance et la paresse d’esprit, deviennent pour lui une seconde nature. Ses occupations le tenant éloigné du

    fait honneur, devrait plutôt être attribuée au commerce. L’histoire entière de la civilisation, depuis les Hindous et les Phéniciens dans l’antiquité jusqu’à l’Amérique de nos jours, atteste que les points du globe où les nations se trouvent en contact, les rives des fleuves et les côtes de la mer sont toujours les berceaux de la culture intellectuelle et politique, et s’il faut reconnaître que, actuellement, aucune nation ne peut conserver de part au commerce de l’univers, si elle ne possède une industrie florissante, une telle condition n’était nullement nécessaire dans le passé. »
      Nous reconnaissons volontiers qu’une partie de ce qui est dit dans le présent ouvrage sur l’influence de l’industrie manufacturière, est également applicable au commerce. Mais il ne faut pas perdre de vue que, même dans l’antiquité et au moyen âge, l’industrie manufacturière a toujours été plus ou moins étroitement liée au commerce, sinon à cette savante et féconde industrie des temps modernes sans laquelle il ne peut plus se concevoir de grand commerce, ni de grande civilisation, du moins celle que comportait l’époque ; et que en dernière analyse, le commerce lui-même n’a pris quelque essor et n’a existé à proprement parler que du jour où le travail manufacturier a surgi en se détachant du travail agricole. (H. R.)