Page:List - Système national d'économie politique, trad Richelot, 2è édition, 1857.djvu/53

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l’Angleterre n’est qu’au début de sa grandeur. Non, nous n’irons pas de gaieté de cœur compromettre notre réputation de publiciste en annonçant un événement, qui ne saurait arriver, que si l’Angleterre continuait à abêtir systématiquement une grande partie de sa population, et à gouverner ses cent millions de sujets dans l’Inde plus mal que le pacha d’Égypte ne gouverne ses Fellahs. Peut-être aucun écrivain n’a exalté l’Angleterre autant que nous, et, loin de haïr les Anglais, nous sympathisons avec eux plus qu’avec aucun autre peuple. Ce que nous détestons de toute notre âme, c’est cette tyrannie commerciale de John Bull qui veut tout absorber, qui ne veut laisser s’élever aucune autre nation, et qui cherche à nous faire avaler les pilules fabriquées par sa cupidité comme un pur produit de la science ou de la philanthropie. »

Cependant ce chaleureux patriote, ce grand agitateur, avait ses jours de lassitude et de découragement. L’avenir des siens l’inquiétait ; des pourparlers pour lui donner une position officielle en Wurtemberg ou en Bavière n’avaient pas eu de suite ; sa santé et sa fortune détruites après tant d’efforts, il se voyait réduit à vivre de sa plume, d’une feuille que l’autorité pouvait supprimer au premier jour. Lui, qui habituellement travaillait avec autant de facilité que d’ardeur, se sentait quelquefois affaissé, et c’était pour lui un supplice horrible d’avoir à fournir de la copie pour remplir son journal.

A ses souffrances, à la fois physiques et morales, il cherchait un remède dans des voyages, voyages d’ailleurs bien remplis, bien employés. En 1844 nous le voyons en Belgique où il suggère les bases du traité de commerce et de navigation qui mit fin à un différend entre cet État et l’Association allemande, mais qui n’a pas réalisé les espérances conçues par ses négociateurs ; puis à Munich, où un congrès agricole lui fournit l’occasion de traiter, dans un écrit remarquable, de la solidarité qui existe entre l’industrie manufacturière et l’agriculture ; puis enfin à Vienne et en Hongrie, où son voyage est une continuelle ovation, et où il sème libéralement les idées dont sa tête est pleine.