Page:Liszt - F. Chopin, 1879.djvu/107

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courageux, trouveraient-elles autant de cœurs capables de les adorer d’une dévotion si vraie, qu’il fait aimer la femme jusqu’à aimer la mort pour elle, sachant que son beau regard ne peut convier qu’à une belle mort ?

Là-bas, dans la patrie et aux temps de Chopin, l’homme ne connaissait point encore ces méfiances néfastes qui font craindre une femme comme on redoute un vampire. Il n’avait point encore entendu parler de ces magiciennes malfaisantes du dix-neuvième siècle, surnommées les « dévoreuses de cervelles » ! Il ne savait point encore qu’il existerait un jour des princesses entretenues, des comtesses courtisanes, des ambassadrices juives, des grandes dames aux gages d’une grande puissance, des espionnes de haute naissance, des voleuses de bonne maison, dérobant le cœur, les secrets, l’honneur, le patrimoine de ceux dont elles recevaient l’hospitalité ! Il ignorait que sous peu on aurait formé à l’intention des grands noms de son pays, à l’intention des fils de mères incorruptibles, des héritiers d’une longue lignée de nobles ancêtres, toute une école de séductrices dressées au métier de la délation. L’homme ne se doutait pas encore qu’il viendrait un temps où dans les sociétés d’Europe, sociétés chrétiennes cependant, un homme d’honneur passerait pour dupe de la femme qu’il n’aurait pas déshonorée, pour victime de celle qu’il n’aurait pas souillée !… Alors, alors, dans la patrie et aux temps de Chopin, l’homme aimait pour aimer ; prêt à jouer sa vie pour