Page:Liszt - F. Chopin, 1879.djvu/120

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dessine la fantaisie ; mortelles dépressions de joies étiolées qui naissent mourantes, roses noires, fleurs de deuil ; ou bien, roses d’hyver, blanches comme la neige qui les environne, attristant par le parfum même des pétales tremblantes que le moindre souffle fait tomber de leurs frêles tiges. Etincelles sans reflet qu’allument les vanités mondaines, semblables à l’éclat de certains bois morts qui ne reluisent que dans l’obscurité ; plaisirs sans passé ni avenir, ravis à des rencontres de hasard, comme la conjonction fortuite de deux astres lointains ; illusions, goûts inexplicables tentant d’aventure, comme ces saveurs aigrelettes des fruits à moitié mûrs, qui plaisent tout en agaçant les dents. Ebauches de sentiment dont la gamme est interminable et auxquels l’élévation native, la beauté, la distinction, l’élégance de ceux qui les éprouvent, prêtent une poésie réelle, souvent sérieuse, quand l’un de ces accords qu’on croyait seulement effleurer dans un rapide arpège, devient tout d’un coup un thème solennel, dont les ardentes et hardies modulations prennent dans un cœur exalté les allures d’une passion, qui veut l’éternité pour demeure !

Dans le grand nombre des Mazoures de Chopin, il règne une extrême diversité de motifs et d’impressions. Plusieurs sont entremêlées de la résonnance des éperons ; mais, dans la plupart on distingue avant tout l’imperceptible frôlement du tulle et de la gaze sous le souffle léger de la danse ; le bruit des éventails, le cliquetis de