Page:Liszt - F. Chopin, 1879.djvu/123

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à faire connaître à ceux qui ne l’ont pas entendue, le charme d une ineffable poésie ? Charme subtil et pénétrant comme un de ces légers parfums exotiques, celui de la verveine ou de la calla éthiopica, qui ne s’exhalent que dans les appartenons peu fréquentés et se dissipent, comme effarouchés, dans les foules compactes, au milieu desquelles l’air épaissi ne garde plus que les senteurs vivaces des tubéreuses en pleines fleurs ou des résines en pleines flammes.

Chopin avait dans son imagination et son talent quelquechose qui, par la pureté de sa diction, par ses accointances avec la Fée aux miettes et le Lutin d’Argail, par ses rencontres de Séraphine et de Diane, murmurant à son oreille leurs plus confidentielles plaintes, leurs rêves les plus innommés, rappelait le style de Nodier, dont on rencontrait maintes fois les volumes sur les tables de son salon. Dans la plupart de ses Yalses, Ballades, Selierzos, gît embaumée la mémoire de quelque fugitive poésie inspirée par une de ces fugitiv es apparitions. Il l’idéalise quelquefois jusqu’à en rendre les fibres si ténues et si friables qu’elles ne paraissent plus appartenir à notre nature, mais se rapprocher du monde féerique et nous dévoiler les indiscrètes confidences des Ondines, des Titanias, des Ariels, des reines Mab, des Obérons puissans et capricieux, de tous les génies des airs, des eaux et des flammes, sujets, eux aussi, aux plus amers mécomptes et aux plus insupportables ennuis.