Page:Liszt - F. Chopin, 1879.djvu/147

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Camoëns, plutôt que d’être toujours dupes d’espérances trop tardives à se réaliser, d’une admiration trop souvent mal placée et par là indifférente ; plutôt que d’être si bien repus, qu’ils en soient réduits à l’impuissance des bêtes de basse-cour ? Si quelque chose doit surprendre, c’est que beaucoup de ces êtres privilégiés ne fassent point ainsi ! C’est qu’il y en ait tant qui condescendent à préférer l’éclat des bougies et les revenant-bons d’un métier d’histrion, à une vie et à une mort solitaires ! Si l’on voit si rarement un tel spectacle, il faut l’attribuer à la faiblesse de caractère de ces infortunés ! Etant poètes et artistes grâces à leurs facultés imaginatives, ils se laissent leurrer par l’imagination qui, tantôt les ravit jusqu’aux cieux, tantôt les attarde entre les pompes de la cour ou le luxe de la hautebanque, en les détournant de leur vraie vocation.

Le Ce Joseph de Maistre avait un juste pressentiment lorsqu’il parlait du « patricien éclairé », comme d’un vrai juge du Beau ; il laissa seulement sa pensée incomplète. Car l’aristocratie, en tant que telle, n’a point pour mission sociale de faire, à l’anglaise, des gloses sur Homère, des monographies sur tel poète arabe oublié et tel trouvère retrouvé ; des études approfondies sur Phidias, Apelles, Michel-Ange, Raphaël, des recherches curieuses sur Josquin-des-Près, Orlando-di-Lasso, Monteverde, Féo, etc. etc. Sa supériorité consiste à conserver dans ses mains la direction des enthousiasmes de son temps ; des aspirations, des attendrisseraens, des compassions