Page:Liszt - F. Chopin, 1879.djvu/154

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lui était du. Il n’eût pu en être autrement dans cette France, dont l’hospitalité sait discerner avec tant de goût le rang de ses hôtes.

Les esprits les plus éminens de Paris se sont maintes fois rencontrés dans le salon de Chopin. Non pas, il est vrai, dans ces réunions d’artistes d’une périodicité fantastique, telle que se les figure l’oisive imagination de quelques cercles cérémonieusement ennuyés ; telles qu’elles n’ont jamais été, car la gaieté, la verve, l’entrain, n’arrivent pour personne à heure fixe, peut-être moins qu’à personne aux véritables artistes. Tous, plus ou moins atteints de la maladie sacrée, orgueil blessé ou défaillance mortelle, il leur faut secouer ses engourdissemens et ses paralysies, oublier ses froides douleurs, pour s’étourdir et s’amuser à ces jeux pyrotechniques auxquels ils excellent ; émerveillement des passans ébahis, qui aperçoivent de loin en loin quelque chandelle romaine, quelque feu de bengale tout rose, quelque cascade aux eaux de flamme, quelque affreux et innocent dragon, sans rien comprendre aux fêtes de l’esprit qui en furent l’occasion.

Malheureusement, la gaieté et la verve ne sont aussi pour les poëtes et les artistes que choses de rencontre et de hasard ! Quelques-uns d’entre eux, plus privilégiés que d’autres, ont il est vrai l’heureux don de surmonter assez leur malaise intérieur, soit pour toujours porter lestement leur fardeau et se rire avec leurs compagnons de voyage des embarras de la route, soit pour