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pensée et des formes encore inusitées. Il lui est toujours aisé de les revoir et de juger avec équité, pour peu qu’il le veuille, l’union adéquate qui s’y trouve ou non du sentiment et de la forme.

En musique, il n’en va pas ainsi. Les partisans exclusifs des anciens maîtres et de leur style ne permettent pas aux esprits impartiaux de se familiariser avec les productions d’une école qui surgit. Ils ont soin de les soustraire tout-à-fait à la connaissance du public. Si par mégarde quelque œuvre nouvelle, écrite dans un style nouveau, vient à être exécutée, non contens de la faire attaquer par tous les organes de la presse qu’ils tiennent à leur disposition, ils empêchent qu’on la joue et surtout, qu’on la rejoue. Ils confisquent les orchestres et les conservatoires, les salles de concert et les salons, en établissant contre tout auteur qui cesse d’être un imitateur, un système de prohibition qui s’étend des écoles, où se forment le goût des virtuoses et des maîtres de chapelle, aux leçons, aux cours, aux exécutions publiques, privées et intimes, où se forme le goût des auditeurs.

Un peintre et un sculpteur peuvent raisonnablement espérer de convertir peu-à-peu leurs contemporains de bonne foi, ceux que l’envie, la rancune, le parti-pris, ne rendent pas inaccessibles à toute conversion, en ayant prise par la publicité même de leur œuvre sur toutes les âmes ingénues, sur celles qui sont supérieures aux petites taquineries d’atelier à atelier. Le musicien