novateur est condamné à attendre une génération suivante pour être d’abord entendu, puis écouté. En dehors du théâtre, qui a ses propres conditions, ses propres lois, ses propres normes, dont nous ne nous occupons pas ici, il ne peut guère espérer de conquérir un public de son vivant ; c’est-à-dire, de voir le sentiment qui l’a inspiré, la volonté qui l’a animé, la pensée qui l’a guidé, généralement comprises, clairement présentes à quiconque lit ou exécute ses œuvres. Il lui faut à l’avance courageusement renoncer à voir le mérite et la beauté de la forme dont il a revêtu son sentiment et sa pensée, généralement appréciées et reconnues par les artistes ses égaux, avant un quart de siècle ; pour mieux dire, avant sa mort. Celle-ci apporte bien une notable mutation dans les jugemens, ne fut-ce que parcequ’elle donne à toutes les mauvaises petites passions des rivalités locales, l’occasion de taquiner, d’attaquer, de miner des réputations en vogue, en opposant à leurs plates productions les œuvres de ceux qui ne sont plus. Mais, qu’il y a loin encore de cette estime rétrospective que l’envie emprunte chez la justice, à la compréhension sympathique, affectueuse, amoureuse, admirative, due au génie ou au talent hors ligne.
Toutefois, en musique les retardataires sont moins coupables peut-être que ne le pensent ceux dont ils neutralisent les efforts, dont ils empêchent le succès, dont ils ajournent la gloire. Ne faut-il-pas tenir compte