Page:Liszt - F. Chopin, 1879.djvu/230

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tout ce qu’il doit être dans des cœurs biens-nés, quand un jeune couple, un beau couple, un de ces couples qui arrachent un cri d’admiration aux vieillards en chevaux b !ancs, un sourire approbatif aux matrones qui croient avoir déja contemplé tout ce que la terre produit de beau, se voyait bondir d’un bout à l’autre de la salle de bal. Il fendait l’air, dévorait l’espace, comme des âmes qui s’élanceraient dans les immensités sidérales, volant sur les ailes de leurs désirs d’un astre à un autre, effleurant légèrement du bout de leurs pieds si étroits quelque planète attardée dans sa route, repoussant plus légèrement encore l’étoile rencontrée comme un lumineux caillou… jusqu’à ce que l’homme éperdu de joie et de reconnaissance se précipite à genoux, au milieu du cercle vide où se concentrent tant de regards curieux, sans quitter le bout des doigts de sa dame dont la main reste ainsi étendue sur sa tête, comme pour la bénir. Trois fois, il la fait tourner autour de lui : on dirait qu’il veut ceindre son front d’une triple couronne, auréole bleue, guirlande de flammes, nimbe d’or et de gloire !.. Trois fois elle y consent, par un regard, par un sourire, par une inflexion de tête ; alors, voyant sa taille penchée par la fatigue de cette rotation rapide et vertigineuse, le cavalier se redresse avec impétuosité, la saisit entre ses bras nerveux, la soulève un instant de terre, pour terminer cette fantastique course dans un tourbillon de bonheur.