Page:Liszt - F. Chopin, 1879.djvu/231

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Dans les années plus avancées de sa trop courte vie, Chopin jouant un jour une de ses Mazoures à un musicien ami, qui sentait déjà, plus qu’il ne comprenait encore, les claire-voyances magnétiques qui se dégageaient de son souvenir en prenant corps sur son piano, s’interrompit brusquement pour lui raconter cette figure de la danse. Puis, en se retournant vers le clavier il murmura ces deux vers de Soumet, le poète en vogue d’alors :

Je l’aime Séinida, et mon cœur vole ver » ton image. Tantôt comme un encens, tantôt comme un orage !..

Son regard semblait arrêté sur une de ces visions des anciens jours que nul ne voit , hormis celui qui la reconnait pour l’avoir fixée durant sa courte réalité avec toute l’intensité de son âme, afm d’y imprimer à jamais son ineffaçable empreinte. Il était aisé de deviner que Chopin revoyait devant lui quelque beauté, blanche comme une apparition, svelte et légère, aux beaux bras d’ivoire, aux yeux baissés, laissant s’échapper de dessous ses paupières des ondes azurées, qui enveloppaient d’une lueur béatifiante le superbe cavalier à genoux devant elle, les lèvres entr’ ouvertes, ces lèv res dont semblait s’échapper un soupir, montant

Tantôt comme un encens, tantôt comme un orage !..

Chopin contait volontiers plus tard, négligemment en apparence, mais avec cette involontaire et sourde émotion qui accompagne le souvenir de nos premiers