Page:Liszt - F. Chopin, 1879.djvu/232

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ravissemens, qu’il comprit d’abord tout ce que les mélodies et les rhythmes des danses nationales pouvaient contenir et exprimer de sentimens divers et profonds, les jours où il voyait les dames du grand-monde de Varsovie à quelque notable et magnifique fête, ornées de toutes les éblouissances, parées de toutes les coquetteries, qui font frêler les cœurs à leurs feux, avivent, aveuglent et infortunent l’amour. Au lieu des roses parfumées et des camélias panachés de leurs serres, elles portaient pour lors les orgueilleux bouquets de leurs écrins. Ces tissus d’un emploi plus modeste, si transparens que les Grecs les disaient tissés d’air, étaient remplacés par les somptuosités des gazes lamées d’or, des crêpes brodés d’argent, des points d’AIençon et des dentelles de Brabant. Mais il lui semblait qu’aux sons d’un orchestre européen, quelque parfait qu’il fût , elles rasaient moins rapidement le parquet ; leur rire lui paraissait moins sonore, leurs regards d’un étincellement moins radieux, leur lassitude plus prompte, qu’aux soirs où la danse avait été improvisée, pareequ’en s’asseyant au piano il avait inopinément électrisé son auditoire. S’il l’électrisait, c’est qu’il savait répéter en sons hiéroglyphiques propres à sa nation, en airs de danse éclos sur le sol de la patrie, d’entente facile aux initiés, ce que son oreille avait entre-ouï des murmurations discrètes et passionnées de ces cœurs, comparables aux fraxinelles vivaces dont les fleurs sont toujours environnées d’un gaz subtil,