Page:Liszt - F. Chopin, 1879.djvu/286

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Il continua longtemps à souffrir dans le milieu trop réaliste, presque grossier, où s’était engouffré son tempérament tïèle et sensitif ; puis, il échappait au présent dans les régions impalpables de l’art, s’y réfugiant parmi les souvenirs de sa première jeunesse, dans sa chère Pologne, que seule il immortalisait en ses chants.

Il n’est pourtant pas donné à un être humain, vivant de la vie do ses semblables, de tellement s’arracher à ses impressions présentes, de tellement faire abstraction de ses cuisantes souffrances quotidiennes, qu’il oublie dans ses œuvres tout ce qu’il éprouve, pour ne chanter que ce qu’il a éprouvé. C’est pourquoi, nous supposerions volontiers que, dans ses dernières années, Chopin fut en proie à une sorte de travail, plutôt encore de rangement intérieur, dont il était inconscient, quoiqu’il sut qu’un mal pareil avait détruit le génie de plus d’un grand poète, de plus d’un grand artiste. Ces grandes âmes, voulant échappera la torture de leur enfer terrestre, se transportent dans un monde qu’elles créent. Ainsi fit Milton, ainsi fit le Tasse, ainsi fitCamoëns, ainsi fil.Michel Ange etc. Mais, si leur imagination est assez puissante pour les y emporter, elle ne peut les empêcher île traîner avec eux la flèche barbelée qui s’est enfoncée dans leur flanc. Ouvrant leurs larges ailes d’archanges en exil ici-bas, ils volent haut , mais, en volant, ils souffrent des morsures de la plaie env enimée qui dévore leur chair et absorbe leurs forces ! C’est pour cela que les tristesses de l’amour méconnu se retrouvent dans le