Page:Liszt - F. Chopin, 1879.djvu/311

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

en quelque sorte dans sa patrie, dans cette chère Pologne qu’il revoyait plus que jamais couverte de sang, baignée de larmes, flagellée et déchirée, humiliée et raillée, mais toujours reine sous sa pourpre de dérision et sous sa couronne d’épines. Un jour, Chopin dit tout simplement à son ami qu’il ne s’était pas confessé depuis longtemps et voudrait le faire, ce qui eut lieu à l’instant même, le confessé et le confesseur s’étant déjà depuis longtemps préparés, sans se le dire, à ce grand et beau moment.

A peine le prêtre et l’ami eut-il prononcé la dernière parole de l’absolution, (pie Chopin, poussant un grand soupir de soulagement et souriant à la fois, l’embrassa de ses deux bras, « à la polonaise », en s’écriant : « Merci, merci mon cher ! Grâce, à vous, je ne mourrai pas comme un cochon (iak swinia) ! » Nous tenons ces détails de la bouche même de l’abbé Jelowicki, qui les reproduisit plus tard dans une de ses Lettres spirituelles. Il nous disait la profonde commotion que produisit sur lui l’emploi de cette expression, si vulgairement énergique, dans la bouche d’un homme connu pour le choix et l’élégance de tous les termes dont il se servait. Ce mot, si étrange sur ses lèvres, semblait rejeter de son cœur tout un monde de degoûts qui s’y était amassé !

De semaine en semaine, bientôt de jour en jour, l’ombre fatale apparaissait plus intense. La maladie touchait à son dernier terme ; les souffrances devenaient de plus en plus vives, les crises se multipliaient