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frappa d’un coup mortel l’empire ottoman, vaincu enfin dans cette longue lutte soutenue de part et d’autre avec tant de prouesse, d’éclat et de mutuelles déférences, entre deux ennemis aussi irréconciliables dans leurs combats que magnanimes dans leurs trêves.

Durant de longs siècles la Pologne a formé un État dont la haute civilisation, tout-à-fait autonome, n’était conforme à aucune autre et devait rester unique dans son genre. Aussi différente de l’organisation féodale de l’Allemagne qui l’avoisinait à l’occident, que de l’esprit despotique et conquérant des Turcs qui ne cessaient d’inquiéter ses frontières d’orient, elle se rapprochait d’une part de l’Europe par son christianisme chevaleresque, par son ardeur à combattre les infidèles, d’autre part elle empruntait aux nouveaux maîtres de Byzance les enseignemens de leur politique sagace, de leur tactique militaire et de leurs dires sentencieux. Elle fondait ces élémens hétérogènes dans une société qui s’assimilait des causes de ruine et de décadence, avec les qualités héroïques du fanatisme musulman et les sublimes vertus de la sainteté chrétienne[1]. La culture générale des lettres latines, la connaissance et le

  1. On sait de combien de noms glorieux la Pologne a enrichi le calendrier et le martyrologe de l’Église. Rome accorda à l’ordre des Trinitaires, (Frères de la Rédemption), destiné à racheter les chrétiens tombés en esclavage chez les infidèles, le privilège exclusif pour ce pays de porter une ceinture rouge sur leur habit blanc, en mémoire des nombreux martyrs qu’il fournit, principalement dans les élablissemens rapprochés des frontières, tels que celui de Kamieniec-Podolski.