Page:Liszt - F. Chopin, 1879.djvu/78

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qui s’aimaient avec extase s’y sont donnés rendez-vous à si longue échéance, que l’automne de la vie pouvait succéder à son printemps, tous deux croyant plutôt à leur fidelité à travers tous les remous de l’existence qu’à la possibilité d’un bonheur privé de la sanction paternelle ! Que de tristes affections, secrètement nourries en ceux que séparaient les infranchissables distances de la richesse et du rang, n’ont pu se révéler que dans ces instans uniques où le monde admire la beauté plus que la richesse, la bonne mine plus que le rang ! Que de destinées désunies par la naissance et les griefs d’une autre génération, ne se sont jamais rapprochées que dans ces rencontres périodiques, étincelantes de triomphes et de joies cachées, dont le pâle et lointain reflet devait éclairer à lui seul une longue serie d’années ténébreuses ; car, le poète l’a dit : l’absence est un monde sans soleil !

Que de courtes amours s’y sont nouées et dénouées le même soir entre ceux qui, ne s’étant jamais vus et ne devant plus se revoir, pressentaient ne pouvoir s’oublier ! Que d’entretiens entamés avec insouciance durant les longs repos et les figures enchevêtrées de la mazoure, prolongés avec ironie, interrompus avec émotion, repris avec ces sous-entendus où excellent la délicatesse et la finesse slaves, ont abouti à de profonds attachemens ! Que de confidences y ont été éparpillées dans les plis déroulés de cette franchise qui se jette d’inconnu à inconnu, lorsqu’on est délivré de la tyrannie des ménagemens