Page:Liszt - F. Chopin, 1879.djvu/80

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les palais jusqu’aux chaumières ; dans ces pays où les qualités et les défauts propres à la nation sont si singulièrement répartis que, se retrouvant dans leur essence à-peu-près les mêmes chez tous, leur mélange varie et se différencie dans chacun d’une manière inopinée, souvent méconnaissable ! Il en résulte une excessive diversité dans les caractères capricieusement amalgamés, ce qui ajoute à la curiosité un aiguillon qu’elle n’a pas ailleurs, fait de chaque rapport nouveau une piquante investigation et prête de la signification aux moindres incidens.

Ici, rien d’indifférent, rien d’inaperçu et rien de banal. Les contrastes se multiplient parmi ces natures d’une mobilité constante dans leurs impressions, d’un esprit fin. perçant, toujours en éveil ; d’une sensibilité qu’alimentent les malheurs et les souffrances, venant jeter des jours inattendus sur les cœurs comme des lueurs d’incendie dans l’obscurité. Ici, les longues et glaciales terreurs des cachots d’une forteresse, les interrogatoires perfides et semés de pièges d’un juge abhoré quoique vénal, les steppes blancs de la Sibérie, silencieux et déserts, s’étendent devant les regards épouvantés et les cœurs frémissans, comme les tableaux d’une tapisserie aériennne sur les murs de toute salle de bal ; depuis celle dont les parois furent badigeonnées pour l’occasion d’une teinte bleue claire, dont le modeste plancher fut ciré la veille, dont les belles jeunes filles sont parées de simple mousseline