Page:Liszt - Le Tannhaeuser, paru dans le Journal des débats, 18 mai 1849.djvu/23

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Là le chant des sirènes et le chant des pèlerins s’entrelacent comme deux puissans jouteurs. D’abord le motif religieux apparaît, calme, profond, à larges mouvemens, comme le rêve du plus beau, du plus grand de nos sentimens. Plus loin, il semble submergé par les insinuantes modulations de voix pleines d’énervantes langueurs, d’assoupissantes délices, quoique fébriles et aiguës ; mélange de volupté et d’inquiétude ! La voix de Vénus, le chant de son captif, s’élèvent au-dessus de ces flots, qui montent peu à peu ; les appels des sirènes et des bacchantes deviennent toujours plus hauts et plus impérieux. Les notes voluptueuses continuent longtemps ; et ce n’est qu’après une agitation qui ne laisse aucune corde silencieuse, et qui fait résonner toutes nos fibres, que l’immense aspiration de l’infini, s’emparant de toutes ces vibrations, les fond dans une suprême harmonie, et déploie dans toute leur vaste envergure les ailes de l’hymne triomphant !

Liszt.