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hasards, la sève exubérante de leur trop plein de vie, et laissent déborder sans entraves aucunes, leurs passions torrentielles, tant qu’elles n’ont point trouvé de lit assez large et assez profond, pour contenir leurs flots grondans, tumultueux, et jamais assoupis. On peut admirer justement dans la production de Wagner, que la vigueur de la touche n’y détruit jamais sa mollesse. Il était malaisé de lui maintenir ces deux caractères, et cependant leur réunion pouvait seule rendre, les furieux et langoureux transports, dont il arrive à l’homme de vouloir arracher le secret, aux désirs sans tendresse.

Au milieu de cette harmonie qui engourdit par la quantité de sons fins, déliés, tenus, insaisissables et brûlans, comme les attaches et les lacs de la volupté ; au milieu de cette harmonie qui déborde et s’extravase en scintillant, comme un miroitement de plus en plus aveuglant, un intérêt dramatique nous réveille presqu’ en sursaut, lorsque le sentiment, de vague qu’il était, s’individualise dans deux phrases mélodiques, dont l’une nous frappe comme un cri de délectation, un cri de triomphe mélangé de défi, dont l’autre nous berce comme l’appel articulé d’une voix séductrice, succédant à de muets embrassemens.

Afin de surplomber majestueusement, des gouffres si brillantés de voluptés et de plaisirs, le musicien de-