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corps inertes, afin d’enfrêner plus aisément tous les désirs et toutes les aspirations de notre nature, de frigifier plus promptement ses nobles ardeurs, et d’inspirer plus sûrement les trépidations de la crainte, les soumissions passives et énervées. Il l’a fait apparaître comme l’objet véritable des appels de l’âme, comme la source où peuvent s’étancher toutes les soifs, comme le trésor qui a de quoi rassasier tous les vœux. Il l’a posé comme une vaste synthèse, un accord gigantesque, résolvant toutes les dissonnances, ne laissant muette aucune corde de l’âme, et les touchant toutes, non pour les briser, mais pour les faire résonner dans une immense harmonie. Quand il fait intervenir ce principe, ce n’est point pour l’armer d’une vengeresse malédiction ; il ne le promène point comme le balai monstrueux, d’un fléau destructeur. Sous sa plume, alors même qu’il lutte avec des fureurs contraires, il ne se contagie ni des haines, ni des animosités du combat. D’abord, il se présente avec une auguste simplicité. Plus tard, en revenant pour dompter de si violentes rebellions, il ne perd point sa sérénité grave et tendre. Il grandit, plus distinct toujours, plus majestueux, plus subjuguant, mais inaltérable comme la lumière envahissant les ténèbres ; lumière radieuse dorant l’univers de sa richesse immaculée, sans perdre son éblouissance à la souillure d’aucun contact, C’est elle qui domine enfin, qui conquiert, qui est victorieuse, sans répandre