Page:Liszt - Lohengrin et Tannhäuser, 1851.djvu/190

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
185

de maux en foudroyant de son triomphe, sans en ternir l’éclat par le trouble des colères et la rigueur d’un implacable punisseur.

Ce principe religieux, cette Lumière radieuse, est figurée dans l’ouverture par un thème qui dans l’opéra devient un chant de pélerins. En les écoutant, à quelqu’un de ces instans où l’esprit s’abandonne sans résistance à l’illusion, où il s’affranchit de toute entrave, laisse échapper à sa vue l’économie matérielle du spectacle, la foule d’une part et les coulisses de l’autre, où il s’absorbe dans l’art tellement sans réserve, qu’il croit y voir, y sentir, y saisir l’impossible ; à quelqu’une de ces minutes qui sont pour les artistes les visions d’en Haut, et les Cieux entr’ouverts, ce chant résonne dans l’âme comme la grande voix plaintive, espérante et aspirante de l’Humanité entière dans son pélerinage vers la grande Rome, la Rome mystique, que dès son origine ses pontifes appelèrent mystérieusement et prophétiquement, du nom d’Éros !

Nous tous pèlerins, qui cheminons vers cette Rome par la voie des douleurs, nous joignons notre soupir à ce grand chœur qui incessamment monte de la terre aux Cieux !…



Imprimerie de F. A. Brockhaus à Leipzig.