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L’auteur qui une fois encore a vivifié de son jeune souffle la si antique légende, a certainement suivi l’essor de son sentiment poétique, en s’inquiétant peu de se rapprocher ou de se différencier de ses antécédens, en ue songeant guère à faire prédominer dans son œuvre telle où telle pensée, à en faire ressortir telle ou telle conclusion. Wagner est bien trop réellement poëte pour vouloir mettre dans ses drames la Philosophie en action. Il est poëte ; c’est dire qu’il obéit à l’Inspiration, et celle-ci ne cessera jamais de s’emparer de l’Esprit qu’elle visite, comme jadis le souffle d’Apollon s’emparait de la Pythonisse, pour faire parler par sa bouche l’Oracle du Temple. Ceux qui n’ont point été saisis de ce transport qu’une langue slave caractérise si profondément en faisant du mot de Poëte le synonyme de Prophète, peuvent s’ingénier à créer des poëmes à tendances, des poëmes qui prouvent ; mais ceux là feraient mieux de s’en tenir à la polémique. Le poëte qui n’écrit que pressé par le Dieu qui le sollicite, ne transformera point en chaire sont répied brûlant. Convaincre, n’est point sa mission. Il lui faut par dessus tout émouvoir, inoculer à ses auditeurs l’ardent sentiment qui le dévore, leur faire pleurer ses larmes, et les ravir de ses extases. Si donc un de ces auditeurs, puissamment ému par ses visions, essaie de réfléchir sur l’ordre d’impressions que réveille l’oracle parfois mystérieux et ambigu par lequel l’art révèle le Sublime dans ses chefs--