rayons partent de son cœur, il est dominé par une si fatale nécessité d’aimer, qu’il laisse une parcelle de lui à tout ce qui l’approche. À cette époque le jeune homme, étourdi par le tumulte de ses propres pensées, ne vit pas ; il aspire à vivre. Tout en lui est curiosité, désir, inquiète inspiration, flux et reflux de volontés contraires. Il s’épuise dans le labyrinthe sans issue de ses passions désordonnées ; tout ce qui est simple, facile, naturel, le fait sourire de pitié. Il dépasse tous les buts ; il est avide de tous les obstacles ; il dédaigne, et le bien qu’il pourrait faire, et les sentiments qui le rendraient heureux. Il est impitoyablement tourmenté par l’aiguillon de la jeunesse. Ce temps de fièvre ardente, de force vainement dépensée, de vitalité énergique et folle, je l’ai passé sur la terre de France. C’est elle aussi qui a reçu les cendres de mon père, et qui porte son tombeau, asile sacré de ma première douleur ! — Comment ne me serais-je pas cru enfant d’une terre où j’avais tant souffert et tant aimé ! Comment aurais-je pu songer qu’une autre qu’elle m’avait vu naître, que le sang qui coulait dans mes veines était le sang d’une autre race d’hommes, que les miens étaient ailleurs ?…
Une circonstance fortuite réveilla tout a coup le sentiment que je croyais éteint et qui n’était qu’assoupi. Je lus un matin à Venise, dans un journal allemand, le récit détaillé des désastres arrivés à Pesth. Cette lecture me causa une émotion franche. Je ressentis une compassion inaccoutumée, un vif