retour je retrouverai ma place à votre foyer, mon abri dans votre cœur. Dites aussi que j’entendrai de nouveau ces accords énergiques et vibrants, ces chants pleins de tendresse et de mélancolie que je n’ai jamais pu écouter sans me sentir profondément ému, et qui restent pour moi l’idéale expression de votre bienfaisante et fidèle amitié.
P. S. — Cette lettre, que je croyais arrivée depuis des siècles à sa destination, je la retrouve oubliée sur mon bureau, au retour d’un voyage, ou plutôt d’une course que je viens de faire à Vienne ; je ne veux pas la laisser partir sans y ajouter quelques mots sur mon séjour en Autriche.
Destin bizarre ! Depuis bientôt quinze ans que mon père avait abandonné son paisible toit, pour se jeter avec moi à travers le monde, depuis qu’échangeant l’obscure liberté de la vie rurale pour le glorieux servage de la vie artiste, il s’était fixé en France comme dans le centre le plus propre à développer l’instinct musical que son naïf orgueil appelait mon génie, je m’étais habitué à considérer la France comme ma patrie, et j’avais cessé de me rappeler qu’il en était pour moi une autre. — Vous savez ce que sont les jours de la première jeunesse, cette période de la vie de l’homme qui s’écoule entre sa quinzième et sa vingt-cinquième année ; c’est alors qu’il vit le plus en dehors de lui ; que les individus, les choses, les lieux, exercent l’action la plus puissante sur son imagination. Tant de