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une abondante et soyeuse chevelure blonde. Son front pur et virginal comme un lys se parait d’un doux reflet de mélancolie qui lui prêtait un charme touchant. Ses beaux yeux bleus plein de tendresse et de flamme, étaient comme inondés d’azur céleste, et ses regards avaient cette suavité, cette douceur pénétrante et mystérieuse que les poètes ont attribuée aux regards des colombes.

Son esprit vif et brillant était à l’unisson de ses charmes ; elle était douée des plus aimables dons du cœur, et son âme avait des grâces séduisantes comme son corps. Tout en elle était donc fait pour plaire et pour enchanter.

Abélard, dans tout l’éclat de sa renommée, touchait à ses trente-cinq ans. Il s’offrit à Héloïse environné du prestige de la célébrité. Il était beau : son visage et son front étaient éclairés du reflet de sa haute intelligence. L’âme de la jeune fille vola vers lui dès qu’elle l’eût connu ; elle l’aima de cet amour profond, de cet amour sans borne qui prend et absorbe toute la vie. Elle lui fut comme soumise de prime abord et lui appartint tout entière. Une âme aussi sincère et aussi noble que la sienne ne pouvait pas se donner à demi.

Abélard de son côté, pouvait-il ne pas être séduit, ne pas adorer tant de jeunesse et tant de charmes ? Il aima Héloïse du plus ardent amour, et ces deux cœurs, si fortement épris, s’abandonnèrent à leur mutuelle tendresse. Telles on s’imagine ces deux ombres enlacées, victimes éternelles de l’amour, dont le Dante a eu la tragique vision en s’enfonçant dans les premières spirales de la Cité dolente, et qu’il aperçut, comme un couple d’oiseaux fidèles, entraînées ensemble au souffle du tourbillon infernal. Ainsi, la passion enleva les deux amants sur ses ailes de flamme et les emporta jusqu’aux limites les plus extrêmes de son empire.

Les incidents de cette romanesque et fatale aventure