Page:Littérature Contemporaine - Volume 41, 1889.djvu/49

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sont bien connus. Qu’il nous suffise de les rappeler sommairement.

Au bout de peu de mois, les deux amants voulurent être plus complètement l’un à l’autre ; Héloïse d’ailleurs sentit qu’elle allait être mère. Abélard, alors, enleva sa maîtresse et la conduisit en Bretagne, à Palais, près de Nantes, son pays natal, où il la tint quelque temps cachée. Là, elle lui donna un fils beau comme l’astre du jour, et que pour ce motif, ils appelèrent du nom symbolique d’Astrolabius. Dans cette situation, pour réparer ses torts, Abélard épousa secrètement Hèloïse ; mais il faut dire qu’il n’y parvint pas sans une sorte de lutte avec elle. Non moins généreuse que passionnée, elle voulait garder tout le mérite de son sacrifice et de son abandon d’elle-même : elle préférait demeurer sa maîtresse que de prendre le titre d’épouse. Mais enfin, toujours soumise et dévouée à la volonté d’Abélard, elle céda, de crainte d’attirer sur lui les ressentiments de Fulbert.

Toutefois ce dernier blessé jusqu’au fond de l’âme et trompé dans ses espérances orgueilleuses au sujet de sa nièce, ne se tint pas pour satisfait et résolut de se venger. On sait combien cette vengeance fut atroce. Il fit surprendre Abélard dans son lit ; au milieu de la nuit, et le fit mutiler…

Le malheureux Abélard, dans cette horrible conjoncture, ne put, pour se cacher, que se réfugier au couvent de Saint-Denis. Considérant dès lors sa carrière comme brisée à jamais, il y prit l’habit monastique, tandis que la triste Héloïse, désespérée et pleurant son bonheur détruit, prit le voile au couvent d’Argenteuil, consommant par ce suprême sacrifice, leur éternelle séparation sur la terre. Plus tard Abélard l’établit comme abbesse de l’Oratoire, au couvent du Paraclet qu’il avait fait édifier pour elle et pour les religieuses qui étaient sous sa conduite à Nogent-sur-Seine. Ce fut dans cette retraite qu’elle dût