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LA PHILOSOPHIE POSITIVE

laquelle s’accomplissent ces phénomènes. Bichat, fondateur de l’anatomie générale, créateur de la science des tissus, devait être fatalement amené à considérer les phénomènes vitaux comme résultant des propriétés, des activités particulières des tissus. En s’en tenant à cet énoncé général, Bichat nous apparaîtrait comme le fondateur de la physiologie générale ; mais, en réalité, il n’en est rien : si à la conception métaphysique des anciens, Bichat substitue une conception physiologique qui cherche à expliquer les manifestations vitales par les propriétés même de la matière des tissus, il retombe dans une hypothèse vitaliste lorsqu’il s’agit de définir les propriétés de ces tissus ; loin de chercher à établir une ressemblance, une identité entre les phénomènes des corps vivants et ceux des corps inorganiques, il pose en principe que les propriétés vitales des tissus sont absolument opposées aux propriétés physiques : la vie est à ses yeux une lutte entre des actions opposées, entre les actions physico-chimiques et les actions vitales, car il admet que les propriétés vitales conservent le corps vivant en entravant les propriétés physiques qui tendent à le détruire. Quand la mort survient, c’est le triomphe des propriétés physiques sur leurs antagonistes. Bichat, d’ailleurs, résume complètement ses idées dans la définition qu’il donne de la vie : la vie est l’ensemble des fonctions qui résistent à la mort ; ce qui signifie pour lui : la vie est l’ensemble des propriétés vitales qui résistent aux propriétés physiques.

L’œuvre de Magendie fut une vive réaction contre la doctrine de Bichat : Magendie s’appliqua à l’étude des phénomènes physico-chimiques des êtres vivants, et chercha à ramener autant que possible les actes dits vitaux à des actes physico-chimiques. Mais habile et hardi expérimentateur, Magendie fut trop timide pour essayer aucune espèce de généralisation. Jusque-là on avait surtout raisonné sur quelques phénomènes observés ; Magendie s’attacha surtout à conquérir de nouveaux faits en interrogeant la nature par des expériences ; il porta très-loin l’art des vivisections ; mais il n’arriva pas jusqu’à fonder la science expérimentale ; il accumule des faits, mais sans préciser la nature et l’objet des recherches. Comme il arrive toujours par le fait des réactions extrêmes, vivement frappé de la futilité des hypothèses et des raisonnements à priori de ses prédécesseurs, il semblait vouloir réduire l’expérimentateur à l’état de simple machine, interrogeant la nature, notant les réponses, mais s’abstenant de con-