Page:Littré & Wyrouboff - La Philosophie positive, tome 20.djvu/436

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
436
LA PHILOSOPHIE POSITIVE

substance peut-elle avoir des effets si divers et même opposés ? Claude Bernard montra que l’opium est un produit complexe, renfermant jusqu’à six principes particuliers isolables, six alcaloïdes (morphine, narcéine, thébaïne, etc.), qui ont chacun leurs propriétés physiologiques propres, constantes, mais opposées les unes aux autres. De ces principes les uns sont soporifiques, les autres convulsivants ; rien de plus facile dès lors que d’expliquer, selon les sujets, les effets divers de la substance complexe, chaque individu pouvant se montrer plus sensible à l’action spéciale de tel des composants de l’opium.


— C’est dans la dernière moitié de sa carrière scientifique que Claude Bernard s’attacha à l’étude des phénomènes comparés de la vie des animaux et des végétaux. Il en avait fait depuis quelques années l’objet de son enseignement dans la chaire de physiologie générale du Muséum, s’appliquant à montrer que les phénomènes élémentaires ne présentent pas dans les deux règnes l’antagonisme étroit qu’on s’était plu à établir. Le point de départ de ces recherches avait été une découverte faite depuis de longues années, longtemps mûrie et développée, et qui immortalisera à jamais le nom de Claude Bernard, nous voulons parler de la fonction glycogénique du foie, et, d’une manière plus générale, de la glycogénèse animale.

Chez tout vertébré à l’état physiologique, le sang renferme toujours du sucre, de la glycose, quelle que soit l’alimentation. Or, comme ce sucre est incessamment brûlé, notamment dans les muscles lors de leur contraction, et que cependant l’animal, même avec une alimentation qui ne renferme pas de trace de sucre, même en dehors de toute alimentation, présente toujours du sucre dans son sang, il est évident que ce sucre doit se former dans l’organisme même. Chez l’adulte, cette fonction est localisée dans le foie, car l’analyse comparée du sang qui entre dans le parenchyme hépatique et du sang qui en sort, montre que ce dernier est toujours chargé de glycose, alors même que le premier n’en renferme pas. Telle est, dans sa démonstration expérimentale la plus simple, le fait de la glycogénèse hépatique ; mais à l’aide de quels matériaux le tissu du foie forme-t-il du sucre ? Chez les végétaux, dans le tissu desquels les actes glycogéniques sont le plus développés, l’apparition du sucre est toujours précédée de celle de l’amidon ou de composés analogues, et c’est la transfor-