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LA PHILOSOPHIE POSITIVE

indépendant des conditions physiques et chimiques de l’organisme, nous répondrons, avec Claude Bernard, que sans doute le corps vivant est pourvu de propriétés et de facultés tout à fait spéciales à sa nature, telles que la plasticité organique, la contractilité, la sensibilité, l’intelligence, mais que toutes ces propriétés et toutes ces facultés sans exception, de quelque ordre qu’elles soient, trouvent leur déterminisme, c’est-à-dire leurs moyens de manifestation et d’action, dans les conditions physico-chimiques des milieux extérieur et intérieur ; que, si la connaissance de la condition d’existence du phénomène ne nous apprend rien sur sa nature, il en est de même, à cet égard, des phénomènes vitaux et des phénomènes minéraux : quand nous savons que le frottement et les actions chimiques développent de l’électricité, cela nous indique le déterminisme ou les conditions du phénomène, mais cela ne nous apprend rien sur la nature première de l’électricité.

De tous les phénomènes de l’organisme, c’est sans doute sur ceux de l’intelligence et de la pensée que les philosophes et les gens du monde se préoccupent le plus de connaître l’opinion de Cl. Bernard. Il n’avait que peu expérimenté, ou seulement d’une manière indirecte, sur les organes cérébraux ; mais l’étude des poisons et particulièrement des anesthésiques, et ses nombreuses recherches sur les centres nerveux inférieurs (bulbaires et spinaux), l’ont amené plusieurs fois à formuler sa pensée sur la conception physiologique des phénomènes de l’intelligence. « Les phénomènes métaphysiques de la pensée, dit-il, considérés au point de vue physiologique, ne sont que des phénomènes ordinaires de la vie, et ne peuvent être que le résultat de la fonction de l’organe qui les exprime. Et, en effet, sous le rapport des conditions organiques ou physico-chimiques, le cerveau ne fait pas exception parmi les autres organes : dans son développement anatomique, il suit la loi commune ; c’est-à-dire qu’il devient plus volumineux quand les fonctions auxquelles il préside augmentent de puissance ; comme pour tous les autres organes, la circulation devient plus active pendant les périodes de fonctionnement, et une anémie relative caractérise le moment de repos ou de sommeil ; enfin, l’expérimentation physiologique parvient à analyser les phénomènes cérébraux de la même manière que ceux de tous les autres organes… Il faut donc renoncer à l’opinion que le cerveau forme une exception dans l’organisme, qu’il est le substratum