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CLAUDE BERNARD

caractère le plus général, et notamment celle de la glycogénèse animale, nous n’avons parlé ni de la découverte des nerfs vasomoteurs, ni des recherches sur les secrétions, sur les anesthésiques, sur les fermentations, etc. ; ce que nous avons dit cependant se rapporte à des exemples qui suffisent pour montrer quel était aux yeux de Claude Bernard le but précis de la physiologie expérimentale, et, d’une manière plus générale, celui de toute science d’observation. La recherche des causes premières n’était pas à ses yeux du domaine scientifique. Quand l’expérimentateur est arrivé au déterminisme des phénomènes, c’est-à-dire quand il a établi les conditions qui sont nécessaires et suffisantes à sa manifestation, il ne lui est pas donné d’aller au-delà, et cela dans les sciences des corps vivants aussi bien que dans celles des corps bruts. Ainsi ce mot de déterminisme, sur le sens duquel nous avons fourni déjà des explications, il nous faut encore le répéter, ce mot ne désigne rien autre chose que la cause déterminée ou la cause prochaine. Comme cette expression a été souvent mal comprise, il faut bien remarquer que ce mot déterminisme a une signification tout à fait différente de celle du mot fatalisme. Le fatalisme suppose la manifestation nécessaire d’un phénomène indépendamment de ses conditions, tandis que le déterminisme n’est que la condition nécessaire d’un phénomène dont la manifestation n’est pas forcée : le fatalisme est donc anti-scientifique à l’égal de l’indéterminisme. « Lorsque par une analyse expérimentale successive, nous avons trouvé la cause prochaine on la condition élémentaire d’un phénomène, nous avons atteint le but scientifique… Quand nous savons que l’eau, avec toutes ses propriétés, résulte de la combinaison de l’oxygène et de l’hydrogène dans certaines proportions, et que nous connaissons les conditions de cette combinaison, nous savons tout ce que nous pouvons savoir scientifiquement à ce sujet… En médecine aussi bien qu’en chimie, il n’est pas scientifique de poser la question du pourquoi ; cela ne peut, en effet, que nous égarer dans des questions insolubles et sans applications. »

Cette recherche du déterminisme résume la philosophie scientifique de Claude Bernard. À ceux qui la trouveraient trop étroite et d’un horizon trop borné, à ceux qui, surtout pour l’étude des phénomènes des organismes vivants, croiraient devoir chercher plus loin, et, trompés par l’apparente spontanéité des phénomènes, penseraient assister aux manifestations d’un principe actif,