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— HIST. XIIe s. David guerria fierement les Philistins et moult les abaissa, Rois, 146. Ses grant orguels [sera] abaissez, Ronc. p. 21. Sainte iglise dreit lui abaissier [il] ne lerra, Ne à laie [laïque] justice les clers ne livrera, Th. le mart. 27. Moult durement vers lui en ire [le roi] s'enflamba, Et très bien lui pramet [promet] que il l'abaissera, Et là où il le prist que il le remetra, ib. 28. Il s'abaissa [se baissa], si a pris un cuillier ; Le portier [il] fiert parmi le hanepier [la nuque] ; Li sans en chiet dusqu'au talon derrier, Bat. d'Aleschans, 3886. || XIIIe s. Fu requis Jofrois qu'il alast à Andrenoble et qu'il meist conseil à ce que ceste guerre fust abaissie [finie], VILLEH. CXIX. Cis feus [ce feu] fu si grans et si oribles que nel pot nuls abaissier ne esteindre, ID. XCI. Bien fust la crestienté essaucie [exhaussée] et non mie abaissie, ID. XXXIV. Mais or ne pensez plus pour riens Que je m'amour donner vous doie [doive] ; Trop durement [je] m'abaisseroie, Blonde et Jehan, 884. On ne doit pas penre [prendre] garde s'il [le prix] monte ou abaisse au marché, BEAUMANOIR XXXVII, 4. De la fontaine m'appressai [m'approchai] ; Quand je fui près, si m'abaissai Pour veoir l'iaue qui couroit, la Rose, 1532. || XIVe s. Icelle femme desmenti plusieurs fois le suppliant en abaissant honneur de sa personne et de son office, DU CANGE, abassare. || XVe s. Certes, seigneurs, Jean Lyon se souffre maintenant et abaisse la teste bien bas, FROISS. II, II, 52. Or entendez au soustenir [soutenez-le] ; Car je le voy bien qu'il s'abesse, la Pass. de N. S. J. C. || XVIe s. Le peintre eut charge d'abaisser de couleur l'endroit qui estoit par trop enluminé, D'AUB. Foen. IV, 11. Ils ne se pressoient pas beaucoup de partir et attendoient la chaleur à s'abaisser [que la chaleur fût tombée], DES PÉRIERS, contes, 39.

— ÉTYM. À et baisser ; provenç. abaissar ; espagn. abaxar ; ital. abbassare.

ABAISSEUR (a-bè-seur, ou, suivant la prononciation de quelques-uns, a-bé-seur). adj. masc. et s. m. || 1° Terme d'anatomie. Nom donné à des muscles qui abaissent certaines parties du corps. Le muscle abaisseur de l'angle des lèvres. L'abaisseur de l'œil. || 2° Terme de chirurgie. Abaisseur de la langue, instrument de forme variée destiné à abaisser et à maintenir la langue, quand on examine le fond de la bouche.

† ABAIT (a-bè), s. m. Terme de pêche. Appât. Peu usité.

— HIST. XIIIe s. Car la vielle set trop d'abet (ruse), Renart, t. III, p. 312.

— ÉTYM. Norm. abet, appât pour le poisson ; abéter, mettre un appât ; provenç. abet, ruse ; angl. abet, instigation ; bas-lat. abettum ; de à et de l'ancien français beter, mettre un mors, du germanique ; anglo-sax. boetan ; flamand, beeten ; allem. beizen, faire mordre la bride, et aussi exciter.

ABAJOUE (a-ba-joûe), s. f. Poche située de chaque côté de la bouche, entre les joues et les mâchoires, chez certains mammifères quadrumanes, chiroptères et rongeurs, qui y mettent leurs aliments en réserve pendant quelques instants.

— ÉTYM. Ce mot paraît venir de à et bajoue (voy. ce mot). Cependant l'espagnol offre abazones, qui ne se rapporterait pas à cette étymologie, et qui d'ailleurs n'a pas non plus de mot espagnol d'où il puisse provenir

† ABALOURDI, IE (a-ba-lour-di, die), part. passé. Enfant abalourdi par de mauvais traitements.

† ABALOURDIB ( a-ba-lour-dir) , v. a. Rendre balourd, hébété. Populaire,

— ÉTYM. À et balourd.

ABANDON (a-ban-don), s. m. On verra à l'Étymologie quelle est la série réelle des significations. || 1° Remise entre les mains de.... L'abandon à la Providence. Il faut tout trancher par l'abandon envers Dieu, BOSSUET Lett. Corn. I. [Elle] lui gagnerait le coeur d'un prince libéral, Et de tous ses trésors l'abandon général, CORN. Méd. II, 2. || 2° Terme de droit. Cession, acte par lequel un débiteur délaisse ses biens à ses créanciers. Il a fait à ses créanciers l'abandon de ses terres. || 3° Facilité dans le discours, simplicité, négligence heureuse. Parler avec abandon. Cette femme a dans ses manières un abandon séduisant. Gracieux abandon. Doux abandon. On trouve dans l'exécution de ce tableau un heureux abandon. Rock en son lyrique abandon Dit qu'il dévore la couronne Dont Phébus lui promit le don. Apparemment Phébus lui donne Une couronne de chardon, MILLEV. Épigr. || 4° Confiance entière. Il m'a parlé avec abandon, avec un entier abandon. Dans l'abandon de sa vive amitié, Hier à son rival Montfort s'est confié, C. DELAV. V. Sic. I,


2. Et dans ce trouble heureux dont j'aimais l'abandon, ID. Paria, I, 2. 5° Action d'abandonner. L'abandon des intérêts communs. Or ce péché ne peut être mieux puni que par l'abandon de Dieu, BOURD. Carême, t. I, p. 212. Et de ses intérêts un si grand abandon, CORN. Sert. IV, 2. Ce sont là de ces exemples rares et terribles de la justice de Dieu sur les hommes ; et s'il y en a eu sur la terre, ils prouvent seulement jusqu'où peut aller quelquefois son abandon et la puissance de sa colère, MASS. Car. évid. de la loi. Il y aurait un lâche abandon de moi-même à souffrir qu'on me déshonore, VOLT. dans Laveaux. || 6° État d'une personne ou d'une chose abandonnée. Ce vieillard est dans l'abandon. L'homme sent alors son néant, son abandon, PASC. édit. Cousin. Mes mains désespérées Dans ce grand abandon seront plus assurées, VOLT. Oed. IV, 4. -- Abandon a le sens actif et le sens passif. L'abandon des amis peut également signifier ou qu'on abandonne ses amis ou qu'ils nous abandonnent. L'abandon du sénat, l'abandon où le sénat est laissé, et l'abandon où il laisse. Il faut donc, toutes les fois qu'on se servira de cette construction, prendre garde à l'amphibologie et, s'il reste du doute sur le sens, changer la tournure. 7° À L'ABANDON, loc. adv. Sans soins, sans réserve. Camp à l'abandon. Son enfant fut à l'abandon. Il laissa ses terres à l'abandon. On le logea et on lui mit toute la maison à l'abandon. Tout l'occident est à l'abandon, BOSSUET Hist. III, 7. Comme un pays laissé à l'abandon, ID. Polit. Vous laisserez à l'abandon votre santé et votre vie, ID. Dév. 2. Tu laisses aller tes affaires à l'abandon, MOL. Mal. imag. 1er interm. L'épargne de mon père entièrement ouverte, Lui met à l'abandon tous les trésors du roi, CORN. Méd. II, 4. Mais je m'étonne fort de voir à l'abandon Du prince Héraclius les droits avec le nom, ID. Hér. II, 8. A l'une ou l'autre enfin votre âme à l'abandon Ne lui pourra jamais refuser ce pardon, ID. Perth. IV, 1. Après avoir.... mis à l'abandon ton pays désolé, RÉGNIER, Ép. I. L'oeil farouche et troublé, l'esprit à l'abandon, ID. Sat. II. 8° Terme de bourse. Acte par lequel l'acheteur renonce à un marché conclu en consentant à payer la prime.

— HIST.XIIIe s. Va, si li di qu'il vigne [vienne] à mei ; M'amor li metrai à bandun, MARIE DE FR. I, 488. Mais tost s'en parte à habandon, Fabl. et Cont. anc. I, 70. Amis, ques [quel] hom es-tu ? Di moi com tu as nom, Qui le sepulcre Dieu baises si à bandon ? Ch. d'Ant. I, 184. Et li bourgeois le rechurent [reçurent] volentiers et lui mirent à abandon cor et avoir et ville, Chr. de Reims, 230. Nuls hom ne peut penre [prendre] de son plege [gage] par aba ndon, sans soi plaindre à justice, BEAUMANOIR XLIII, 13. || XVe s. Et mettrons tout le royaume à vostre abandon, FROISS. I, I, 14. Vous perdez le temps ; car, sur l'abandon de nos testes, les Escots s'en sont allés très devant mie nuit, ID. I, I, 44. || XVIe s. De tout autre butin il y avoit une quantité si grande que ou l'on n'en faisoit compte, ou on le consommoit en tout abandon, AMYOT, Lucul. 25. Comme le vent souffle à son abandon Le duvet blanc du vieux chenu chardon... ID. Morales, t. IV, p. 444.

— ÉTYM. Provenç. abandon ; espagn. abandono ; ital. abandono. Par les exemples historiques on voit que abandon est un mot composé de à et bandon. Bandon, en vieux français et en provençal, signifie permission, autorisation, décret ; il répond à un mot bas-latin bando, bandonis, de même signification que bandum, band en danois, bannen en allemand, ordre, prescription ; et en définitive c'est simplement une autre forme de notre mot ban (voy. ce mot). Dès lors on voit la série des significations : mettre à bandon, c'est mettre à permission, à autorité ; c'est donc remettre, céder, confier, laisser aller et finalement délaisser.

ABANDONNATAIRE (a-ban-do-na-têr), s. m. et f. Terme de jurisprudence. Celui ou celle au profit de qui est fait un abandon de biens.

ABANDONNÉ, ÉE (a-ban-do-né, née). || 1° Part. passé de abandonner. Abandonné par ses parents. Abandonné de ses amis. Il faut être bien abandonné de Dieu et des hommes pour faire telle chose. Un enfant abandonné. Inquiet de se voir ainsi abandonné. Propriétés abandonnées (sans maître). Postes abandonnés. Othon avait eu une enfance abandonnée. Ville abandonnée au pillage. Abandonné à soi-même. Les chevaux abandonnés à eux-mêmes. Cette carrière est abandonnée de la jeunesse. Usages abandonnés. Abandonné des médecins. Personne n'est assez abandonné de Dieu pour cela, PASC. Prov. 6. Non pas que ce Dieu, dont il est séparé et entièrement abandonné, ne


soit plus le Dieu de l'univers, BOURD. Pensées, t. III, p. 64. J'entre dans le lieu saint ; et qu'est-ce à mes yeux que cette maison de Dieu ? c'est un désert, et le désert le plus abandonné, ID. ib. p. 310. Là, poursuivi d'une populace animée, abandonné aux plus indignes traitements d'une insolente et brutale soldatesque, ID. Pensées, t. III, p. 376 Si Dieu les eût livrés à la corruption de leur coeur, il n'y eût point eu de pécheurs plus perdus et plus abandonnés à tous les vices, ID. ib. t. II, p. 155. Je ne vous crois pas assez abandonné du Seigneur pour y songer, HAMILT. Gramm. 6. Une femme, nommée Pantée, était abandonnée de tous les médecins, FÉN. Empéd. Loin de ses parents, aux fers abandonnée, VOLT. Zaïre, III, 4. Aux bourreaux se vit abandonné, ID. Alz. III, 4. C'est un de ces mortels du sort abandonnés, ID. Mérope, II, 1. Un vieil oiseau qui se sent abandonné de ses ailes vient s'abattre auprès d'un courant d'eau, CHATEAUB. Génie, I, V, 6. Ces paisibles vertus au peuple abandonnées, A mon héros aussi le ciel les a données, GILBERT, Au Pr. de Salm. Alors je compris par expérience ce que j'avais souvent ouï dire à Mentor, que les hommes mous et abandonnés aux plaisirs manquent de courage dans les dangers, FÉN. Tél. IV. || 2° Adj. et, pris aussi dans ce sens, substantivement. Qui est sans frein, et, par suite, sans moeurs. Si nous étions assez abandonnés pour dire.... C'est une abandonnée. Quelque libertin et quelque abandonné qu'il puisse être, il y a toujours de secrets reproches de la conscience qui le troublent. BOURD. Pensées, t. III, p. 94. J'ose dire qu'il n'y a point de pécheur si abandonné qui porte jusque-là le désespoir, ID. ib. t. I, p. 386. Il faut que vous passiez pour les plus abandonnés calomniateurs qui furent jamais, PASC. Prov. 16. J'aime fort la beauté qui n'est pas profanée, Et ne veux pas brûler pour une abandonnée, MOL. l'Étourdi, III, 3. Cette lettre était un tissu d'ordures à faire trembler les plus abandonnés, S.-SIM. 61, 31. Si nous étions assez abandonnés pour vouloir persuader au public.... VOLT. Moeurs, Moïse. Il y a bien peu de femmes assez abandonnées pour aller jusque-là, MONTESQ. Let. pers. 26.

— HIST. XVIe s. Les autres ont escrit que ceste Phaa estoit une brigande, meurtriere et abandonnée de son corps, AMYOT, Thésée, 11. Il nous fit de merveilleuses caresses et abandonnés traitements, CARL. VIII, 18.

ABANDONNEMENT (a-ban-do-ne-man), s. m. || 1° Remise à.... L'abandonnement des plus chers intérêts entre les mains d'un ami. On prendra soin d'entretenir les malades dans un saint abandonnement à la Providence, BOSSUET Règle. Son abandonnement à la Providence de Dieu, FLÉCH. Serm. I, 121. || 2° Cession. L'abandonnement de ses biens à ses créanciers. On dit plutôt aujourd'hui abandon. Abandonnement que je lui ferai de tout ce que j'ai de biens, PELLISS. II, 115. || 3° Action d'abandonner ; état d'une personne abandonnée. Dans l'abandonnement où il est de tous ses amis. Ne tenir nul compte du triste abandonnement où votre inflexible roideur le précipite, BOURD. Pensées, t. II, p. 129. L'entier abandonnement de sa personne entre les mains de ses supérieurs pour sa laisser conduire selon leur gré et selon leurs vues, ID. ib. p. 367. On me fait les offres les plus engageantes ; et, si je les rejette, me voilà dans le dernier abandonnement et dans la dernière misère, ID. ib. t. I, p. 19. Vous devriez vous attendre, de la part du ciel, à un funeste abandonnement, ID. ib. t. II, p. 461. L'abandonnement le plus général qui me réduirait dans la dernière misère, ID. ib. t. I, p. 291. L'abandonnement où sont tous ceux qui manquent de fortune, LA MOTHE LE VAYER, p. 315. Dans l'abandonnement où je me suis trouvée, MOL. Scapin, III, 9. Cet abandonnement de sa propre cause, BOURD. Carême, III, Passion, 181. Il tombe dans un affreux abandonnement de la part de Dieu, ID. Pensées, t. III, p. 361. L'abandonnement des pauvres, FLÉCH. Serm. I, 112. Dans l'abandonnement et la disette, ID. I, 183. La reine l'avait aimée [la duchesse de Marlborough] avec une tendresse qui allait jusqu'à la soumission et à l'abandonnement de toute volonté, VOLT. S. de L. XIV, chap. 22. || 4° Action de se laisser aller avec trop de facilité. L'entier abandonnement de ce prince a d'indignes favoris. Votre abandonnement à une passion funeste. Votre abandonnement à d'infâmes passions qui corrompent le sang, VOLT. Jenni, 9 || 5° Pris absolument. Déréglement excessif dans la conduite, dans les moeurs. Vivre dans le dernier abandonnement. Le funeste abandonnement où il vit, BOURD. Domin. IV, Désir et dégoût, 380 Tant d'em-