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Page:Littré - Dictionnaire, 1873, T1, A-B.djvu/12

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VI PRÉFACE

Un dictionnaire ainsi fondé peut être défini un recueil d'observations positives et d'expériences disposé pour éclairer l'usage et la grammaire.

Telle est l'idée et le but de ce dictionnaire. Voici maintenant comment l'arrangement des différentes parties a été conçu. Cet arrangement n'est point indifférent, si l'on veut d'une part que le lecteur trouve la clarté par l'ordre, et d'autre part qu'il mette sans retard la main sur ce qu'il cherche. La disposition commune à tous les articles est la suivante : le mot ; la prononciation ; la conjugaison du verbe, si le verbe a quelque irrégularité ; la définition et les divers sens classés et appuyés, autant que faire se peut, d'exemples empruntés aux auteurs des dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles ; des remarques, quand il y a lieu, sur l'orthographe, sur la signification, sur la construction grammaticale, sur les fautes à éviter, etc. ; la discussion des synonymes en certains cas ; l'historique, c'est-à-dire la collection des exemples depuis les temps les plus anciens de la langue jusqu'au seizième siècle inclusivement, exemples non plus rangés suivant les sens, mais rangés suivant l'ordre chronologique ; enfin l'étymologie. Il ne sera pas inutile d'entrer en quelques détails sur chacune de ces subdivisions.

I. Nomenclature des mots.

C'est en essayant de dresser le catalogue des mots que l'on reconnaît bien vite qu'une langue vivante est un domaine flottant qu'il est impossible de limiter avec précision. De tous les côtés on aperçoit des actions qui, soit qu'elles détruisent, soit qu'elles construisent, entament le langage traditionnel et le font varier.

Des mots tombent en désuétude ; mais, dans plus d'un cas, il est difficile de dire si tel mot doit définitivement être rayé de la langue vivante, et rangé parmi les termes vieillis dont l'usage est entièrement abandonné et qu'on ne comprend même plus. En effet, il faut bien se garder de ce jugement dédaigneux de l'oreille qui repousse tout d'abord un terme inaccoutumé et le rejette parmi les archaïsmes et, suivant l'expression méprisante de nos pères, parmi le langage gothique ou gaulois. Pour se guérir de ce dédain précipité, il faut se représenter que chacun de nous, même ceux dont la lecture est le plus étendue, ne possède jamais qu'une portion de la langue effective. Il suffit de changer de cercle, de province, de profession, quelquefois seulement de livre, pour rencontrer encore tout vivants des termes que l'on croyait enterrés depuis longtemps. Il n'en est pas moins vrai que la désuétude entame journellement la langue et qu'il y a là un terrain qu'on ne peut fixer avec sûreté. Ma tendance a toujours été d'augmenter la part d'actif de l'archaïsme, c'est-à-dire d'inscrire plus de mots au compte du présent qu'il ne lui en appartient peut-être réellement. Ce qui m'y a décidé, c'est d'abord cette incertitude qui existe