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PRÉFACE VII

en certaines circonstances sur le véritable état civil d'un mot : est-il mort? est-il vivant ? En second lieu, c'est la possibilité qu'un terme vieilli effectivement n'en revienne pas moins à la jeunesse ; on rencontrera plus d'un exemple de ce genre de résurrection dans le dictionnaire ; plusieurs mots condamnés par l'usage ou par un purisme excessif sont rentrés en grâce ; il n'est besoin ici que de rappeler sollicitude, que les puristes Philaminte et Bélise, dans les Femmes savantes, trouvent puant étrangement son ancienneté, et contre lequel nul n'a plus les préventions de ces dames. Enfin la qualité même et la valeur du mot m'ont engagé plus d'une fois à le noter, soit qu'il n'ait plus d'équivalent dans la langue moderne, soit qu'il complète quelque série ; et je l'ai mis, non sans espérance que peut-être il trouvera emploi et faveur, et rentrera dans le trésor commun d'où il est à tort sorti. Pas plus en cela qu'en autre chose il ne faut gaspiller ses richesses, et une langue se gaspille qui sans raison perd des mots bien faits et de bon aloi.

Quand en 1696 l'Académie française prit le rôle de lexicographe, elle constitua, à l'aide des dictionnaires préexistants et de ses propres recherches, le corps de la langue usuelle. Ce corps de la langue, elle l'a, comme cela devait être, reproduit dans ses éditions ultérieures, laissant tomber les mots que l'usage avait abandonnés et adoptant certains autres qui devaient à l'usage leur droit de bourgeoisie. On peut ajouter que, dans la dernière édition, qui date de 1835, elle a conservé certains mots plus vieux et plus inusités que d'autres qu'elle a rejetés. Quoi qu'il en soit, ce corps de langue a été rigoureusement conservé dans mon dictionnaire ; il n'est aucun mot donné par l'Académie qui ne se trouve à son rang. Mais, comme la nomenclature a été notablement augmentée, comme il est toujours curieux de savoir si un mot appartient à la nomenclature de l'Académie, et qu'il est quelquefois utile d'en être informé quand on parle ou qu'on écrit, enfin comme cette notion est exigée par certaines personnes qui se font un scrupule d'employer un terme qui n'ait pas la consécration de ce corps littéraire, j'ai eu soin de noter par un signe particulier tous les mots qui sont étrangers au Dictionnaire de l'Académie.

Ces additions sont considérables et proviennent de diverses sources.

La première est fournie par le dépouillement des auteurs classiques. En effet, quand on les lit la plume à la main et dans une intention lexicographique, on ne tarde pas à recueillir un certain nombre de mots qui ne sont pas dans le Dictionnaire de l'Académie. De ces mots les uns sont archaïques, les autres sont encore de bon usage ; mais, à mon point de vue, les uns et les autres doivent être admis. Ceux qui sont devenus archaïques veulent être inscrits, pour que, rencontrés, on puisse en trouver quelque part l'explication. Un dictionnaire qui dépasse les limites de la langue purement usuelle et contemporaine doit cette explication aux lecteurs qui en ont besoin, et cette inscription aux auteurs classiques eux-mêmes, à qui ce serait faire dommage de laisser perdre ces traces de leur pensée et de leur style. Quant aux