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VIII PRÉFACE

termes que l'usage n'a pas abolis, ou auxquels leur forme ou leur sens permet sans peine de rentrer dans l'usage, ils appartiennent de plein droit à une nomenclature qui essaye d'être complète.

Une autre source de mots très abondante serait fournie par les auteurs du seizième siècle, du quinzième, et même par les auteurs antérieurs, s'il était possible d'y puiser sans réserve. Mais ici la plus grande discrétion est commandée ; ce qui est tout à fait mort doit être abandonné. Cependant, dans ce riche amas de débris, il n'est pas interdit de choisir quelques épaves qui peuvent être remises dans la circulation, parce que les termes ainsi restitués ne choquent ni l'oreille ni l'analogie, et qu'ils se comprennent d'eux-mêmes.

L'Académie a donné dans son Dictionnaire un certain nombre de termes de métiers ; mais depuis longtemps les lexicographes ont pensé qu'il fallait étendre davantage cette nomenclature. Furetière et Richelet ont effectivement dirigé leurs recherches de ce côté et fourni un complément notable. Depuis, ce complément s'est beaucoup agrandi, d'autant plus que l'industrie, s'incorporant davantage à la société, a rendu utile à tout le monde la connaissance d'un grand nombre de ces termes particuliers. À ce genre d'intérêt qui est le premier, la langue des métiers en ajoute un autre qui n'est pas sans prix : c'est qu'on y rencontre de temps en temps de vieilles formes, de vieux mots ou de vieux sens, qui, perdus partout ailleurs et conservés là, fournissent plus d'une fois des rapprochements explicatifs. Ici aussi la nomenclature n'est fixe que du côté du passé, elle est mobile et progressive du côté du présent et de l'avenir : de nouveaux procédés se créent tous les jours et exigent concurremment de nouveaux termes et de nouvelles locutions.

La question des termes scientifiques est de même nature. La science elle aussi influe de toutes parts sur la société, et dès lors les termes qu'elle emploie se rencontrent fréquemment dans la conversation et dans les livres ; de là la nécessité, pour un lexicographe, de les enregistrer et d'augmenter le fonds qui est déjà dans le Dictionnaire de l'Académie. Avant tout il faut remarquer que la langue scientifique diffère essentiellement de celle des métiers. En effet, tandis que la langue des métiers est toujours populaire, souvent archaïque, et tirée des entrailles mêmes de notre idiome, la langue scientifique est presque toute grecque, artificielle et systématique ; là l'étymologie se présente d'elle-même. Ce qui est difficile, c'est de donner brièvement des explications claires de choses souvent compliquées. La langue scientifique, il est à peine besoin de l'ajouter, est dans une rénovation et une extension perpétuelles ; car chaque jour les connaissances positives se modifient et s'amplifient. Puis le champ est immense et, pour ainsi dire, sans limite. Pour ne citer que la botanique et la zoologie, les espèces y sont, dans chacune, au nombre de bien plus de cent mille, toutes pourvues d'un nom spécifique. Enfin, dans cet amas de termes souvent changeants et qui plus d'une fois dépendent de principes et de systèmes