Page:Littré - Pathologie verbale ou lésions de certains mots dans le cours de l’usage.djvu/21

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un bon repas, un mauvais repas. Sans doute, un bon repas est un bon accueil ; mais pour quelqu’un qui ignore l’origine et l’emploi primitif du mot, il est impossible de soupçonner que le sens de visage est au fond de la locution. Ce qui est pis, c’est qu’évidemment l’usage moderne s’est laissé tromper par la similitude de son entre chère et chair ; chair l’a conduit à l’idée de repas, et l’idée de repas a expulsé celle d’accueil.

Chétif. — Cet adjectif vient du latin captivus, captif, prisonnier de guerre ; aussi dans l’ancienne langue a-t-il le sens de prisonnier. Mais de très bonne heure cette signification primitive se trouve en concurrence avec la signification dérivée, celle de misérable. Les Latins ne sont point les auteurs de la dérivation que le mot a subie ; ce sont les Romans qui l’ont ainsi détourné ; détournement qui, du reste, se conçoit sans beaucoup de peine, le prisonnier de guerre étant sujet à toutes les misères. À mesure que le temps s’est écoulé, le français y a laissé tomber en désuétude l’acception du captif, et il n’y est plus resté que celle du misérable. Mais une singularité est survenue au seizième siècle, la langue savante a francisé captivus, et en a fait captif. Les procédés de la langue populaire et de la langue savante sont tellement différents, que chétif et