Page:Littré - Pathologie verbale ou lésions de certains mots dans le cours de l’usage.djvu/45

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sens qui lui est inhérent. La transformation a été moins étrange pour garnison. Du sens de ce qui garnit, il n’y a pas très loin au sens d’une troupe qui défend, garnit une ville, une forteresse. Mais, quand on lit, par exemple, une phrase comme celle-ci : Le plus méchant garnement de la garnison, quel est celui qui, sans être averti, imaginera qu’il a là sous les yeux deux mots de même origine et de même acception première ?

Gauche. — L’ancienne langue ne connaît que senestre, en latin sinister. Puis au quinzième siècle apparaît un mot (gauche) signifiant qui n’est pas droit, qui est de travers. Au quinzième siècle, senestre commence à tomber en désuétude, et c’est gauche qui le remplace. Pourquoi ? peut-être parce que, le sentiment de l’usage attachant une infériorité à la main de ce côté, senestre n’y satisfait pas. Il y avait satisfait dans la latinité ; car sinister a aussi un sens péjoratif que nous avons conservé dans le vocable moderne sinistre. En cet état, l’usage se porta sur gauche, qui remplit la double condition de signifier opposé au côté droit et opposé à adresse. L’italien, mû par un même mobile, a dit la main gauche de deux façons : stanca, la main fatiguée, et manca, la main estropiée.

Geindre. — Geindre est la forme française régulière que doit prendre le latin gemere. Avec