Page:Littré - Pathologie verbale ou lésions de certains mots dans le cours de l’usage.djvu/84

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noms féminins en on : la prison, mais à côté le prison, qui signifiait prisonnier et que nous avons perdu ; la nourrisson, que nous n’avons plus et que nous avons remplacé par le scientifique nutrition, et le nourrisson, que nous avons gardé. Il y en avait peut-être d’autres. Si elle avait employé ce procédé à l’égard de soupeçon, la soupeçon eût été la suspicion, et le soupeçon eût été l’homme soupçonné. Notre soupçon masculin est un solécisme gratuit. En regard de soupçon, suspicion est assez peu nécessaire. Les deux significations se confondent par leur origine, et l’usage n’y a pas introduit une grande nuance. La différence principale est que suspicion n’est pas susceptible des diverses acceptions métaphoriques que soupçon reçoit.

Suffisant. — Suffisant a ceci de pathologique qu’il a pris néologiquement un sens péjoratif que rien ne lui annonçait ; car ce qui suffit est toujours bon. Bien plus, ce sens péjoratif est en contradiction avec l’acception propre du mot ; car tout défaut est une insuffisance, comme défaut l’indique par lui-même. On voit que suffisant a été victime d’une rude entorse. Elle s’explique cependant, et, s’expliquant, se justifie jusqu’à un certain point. Il existe un intermédiaire aujourd’hui oublié ; dans le seizième siècle, notre mot s’appliqua aux personnes et s’employa pour capable de ; cela ne