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Page:Littré - Pathologie verbale ou lésions de certains mots dans le cours de l’usage.djvu/83

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par M. Bugge, savant scandinave qui s’est occupé avec beaucoup d’érudition d’étymologies romanes. Il faut en conclure, d’un côté, que l’opinion de M. Bugge est très probable, et, d’autre côté, qu’on est exposé par les souvenirs latents à prendre une réminiscence pour une pensée à soi. Il y a bien loin de coup sous le menton à surnom de dérision ; pourtant, quand on tient le fil, on a une explication suffisante de ces soubresauts de l’usage ; et alors on ne le désapprouve pas d’avoir fait ce qu’il a fait. Surnom est le terme général ; sobriquet y introduit une nuance ; et les nuances sont précieuses dans une langue.

Soupçon. — J’inscris soupçon au compte de la pathologie, parce qu’il devrait être féminin comme il l’a été longtemps, et comme le montre son doublet suspicion. Suspicion est un néologisme ; entendons-nous, un néologisme du seizième siècle. C’est alors qu’on le forma crûment du latin suspicionem. Antérieurement on ne connaissait que la forme organique soupeçon, où les éléments latins avaient reçu l’empreinte française. Soupeçon est féminin, comme cela devait être, dans tout le cours de la langue jusqu’au seizième siècle inclusivement. Puis tout à coup il devient masculin contre l’analogie. Nous connaissons deux cas où l’ancienne langue avait attribué le masculin à ces