Page:Livre du Chevalier de La Tour Landry.djvu/129

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Ma dame, dist la damoiselle, c’est mal dit. — Non est, dist la dame, layssiez advenir ce que advenir pourra. » Et tantost, à ce mot, un vent, chault comme feu, la ferit par telle guise qu’elle ne se pot bouger ne remuer, ne plus que une pierre, et dès là en avant la convenoit porter entre les bras, et devint grosse et enflée comme une pipe. Si recognut sa follour et se voua en plusieurs pelerinages et s’i fist porter en une litière, et à toutes gens d’onneur elle disoit la cause comment le mal lui estoit prins, et que c’estoit la vengence de Dieu, et que bien estoit employé le mal qu’elle souffroit ; car toute sa vie elle avoit porté plus d’onneur au monde que à Dieu, et avoit plus grant joye et plus grant plaisir à soy cointoier quant gens d’estat venoient en lieu où elle fust, pour leur plaire et pour avoir sa part des regards, qu’elle ne faisoit par devocion ès festes de Dieu ne de ses sains. Et puis disoit aux gentilz et aux juennes femmes : « Mes amies, veez cy la vengeance de Dieu » et comptoit tout le fait et leur disoit : « Je souloye avoir beau corps bel et gent, se me disoit chascun pour moy plaire, et, pour la louange et le bobant den la gloire que je y prenoye, je me vestoie de fines robes et de bonnes pennes bien parées, et les faisoie faire bien justes et estroites ; et aucunesfoiz le fruit qui estoit en moy en avoit ahan et peril, et tout ce faisoie pour en avoir la gloire et le loz du monde. Car quant je ouoye dire aux compaignons qui me disoient pour moy plaire : « Veez cy un bel corps de femme qui est bien tailié d’estre amé d’un bon chevalier », lors tout le cuer me resjouissoit ; mais or povez veoir quelle je suis, car je suy plus grosse et plus constrainte