Page:Livre du Chevalier de La Tour Landry.djvu/77

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puet bien endormir ; car ainsi l’en le doit faire, toutes foys que l’en s’esveille, et ne doit l’en pas oublier les mors. Je vous en diray un exemple comment il est bon de prier Dieu et gracier pour les morts toutes les foiz que l’on s’esveille.



De deux chevaliers qui amoient deux suers.
Chappitre IIIe



Comme il est contenu ès histoires de Constantinople que un empereur avoit deux filles, dont la plus juenne estoit de bonnes meurs, et amoit Dieu et le adouroit, toutes foiz qu’elle s’esveilloit, et prioit pour les mors. Si couchoient en un lict elle et sa suer ainsnée, et quant l’ainsnée s’esveilloit, et elle ouoit à sa suer dire ses heures, elle s’en mocquoit et l’en bourdoit, lui disoit que elle ne la laissoit dormir.

Dont il advint que jonnesse et la grant aise où elles estoient nourries leur fist amer deux chevalliers frères, moult beaux et moult gens, et tant durèrent leurs plaisirs et leurs amours qu’elles se descouvrirent l’une à l’autre de leurs amourettes, et tant qu’elles mistrent aux deux chevalliers certaines heures pour venir à elles par nuit privéement. Et quant celui qui devoit venir à la plus juenne cuida entrer entre les courtines, il lui sembla qu’il veist plus de mille hommes en suaires qui estoient environ la demoiselle. Si en eut si grant hideur et si grant paour qu’il en fut tous