Page:Loisy - L'évangile et l'église, 1904.djvu/300

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cultes païens, cette association se fait, en définitive, au détriment de la Divinité, dont on ne voit pas que le trait essentiel est de rester infiniment au-dessus de l’humanité. Le christianisme a évité cette confusion, tout en satisfaisant, par le culte de Jésus et les sacrements qui y sont coordonnés, le besoin de déification qui semble inné à la nature humaine. Il rend au Christ le culte que les Juifs rendaient au Dieu caché, qu’un être humain n’aurait pu regarder sans mourir. Il a pu le faire sans tomber dans le polythéisme et l’anthropolâtrie, parce qu’il distingue, dans l’objet de son adoration, le Dieu éternel et la nature humaine dans laquelle ce Dieu s’est manifesté sur la terre. Le Christ n’en est pas moins assis à la droite du Père, et l’humanité s’élève en lui jusqu’à la divinité. On peut dire, si l’on veut, qu’elle s’adore elle-même en Jésus ; mais on doit ajouter que, ce faisant, elle n’oublie ni sa propre condition ni celle de Dieu. M. Harnack ne condamne pas expressément le culte rendu au Christ, mais il ne l’en regarde pas moins comme une sorte d’idolâtrie, née du polythéisme ancien. Pour lui, le culte de Jésus n’est pas plus légitime que le dogme de sa divinité.