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BELLIOU-LA-FUMÉE

n’oubliez pas de lui dire d’envoyer au bain le bonhomme qui fait la critique musicale et artistique… Autre chose : San Francisco, qui a toujours eu sa littérature locale, n’en possède pas en ce moment. Dites à O’Hara de se débrouiller pour trouver un oiseau rare capable de pondre un feuilleton bien vivant et d’y mettre le vrai coloris et le charme romanesque de San Francisco. »

Et Kit Belliou alla aux bureaux de La Vague pour transmettre ces conseils. O’Hara écouta. O’Hara discuta. O’Hara acquiesça. Il renvoya le bonhomme qui faisait la critique. O’Hara alla même plus loin : il avait une manière à lui, celle que redoutait Gillet jusque dans son Paris lointain. Quand O’Hara voulait une chose, aucun de ses amis ne pouvait la lui refuser, ni résister à sa lénitive contrainte. Avant de parvenir à s’échapper de son bureau, Kit Belliou s’était associé avec lui comme directeur, avait consenti à pondre des colonnes de critique hebdomadaire en attendant la découverte d’un plumitif convenable, et s’était lui-même engagé à fournir un feuilleton local de dix mille mots par semaine… le tout à l’œil. O’Hara lui avait expliqué copieusement comme quoi La Vague ne payait pas encore, et lui avait démontré de façon non moins probante que s’il existait à San Francisco un homme capable d’écrire une chronique, cet homme-là était Kit Belliou en personne.

« Ô dieux ! C’est moi qui suis l’oiseau », geignait Kit en descendant l’étroit escalier.

Ainsi commença son servage envers O’Hara et les insatiables colonnes de La Vague. De semaine en semaine il trôna sur une chaise de bureau, évinça des créanciers, lutta avec des imprimeurs, et débita une moyenne hebdomadaire de vingt-cinq mille mots sur