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BELLIOU-LA-FUMÉE

mum sur la colonne, la couleur et le numéro, et gagnait les trois. Une fois, pour dérouter complètement les esprits attentifs à deviner son secret, il perdit quarante coups de suite, tous au maximum. Mais quelle que fût la variété de son jeu, chaque soir le Courtaud rapportait à la maison ses trois mille cinq cent dollars.

« Ce n’est pas un système, arguait le Courtaud dans une de leurs discussions en se mettant au lit. Je t’ai suivi, et il n’y a rien à tirer du calcul. Tu ne joues jamais deux fois de la même manière. Tout ce que tu fais, c’est de choisir les numéros gagnants quand cela te plaît, et, quand tu n’en as pas envie, tu fais exprès de ne pas les prendre.

— Tu es peut-être plus près de la vérité que tu ne le crois, le Courtaud. Je suis obligé parfois de choisir un mauvais numéro. Cela fait partie du système.

— Ne nous rase pas avec ton système. J’ai causé avec tous les joueurs de la ville : jusqu’au dernier ils sont d’accord qu’il n’existe pas de chose pareille.

— Cependant je ne cesse de leur en montrer un.

— Écoute, la Fumée, dit le Courtaud, se retenant au moment de souffler la bougie. Je suis véritablement exaspéré. Tu crois peut-être que ceci est une chandelle : pas du tout. Et moi non plus je ne suis pas moi-même. Je suis quelque part sur la piste, roulé dans mes couvertures, couché sur le dos la bouche ouverte, en train de rêver tout ceci. Et ce n’est pas toi qui me parles, pas plus que ce lumignon qui m’éclaire.

— C’est drôle, tout de même, que je sois moi aussi en train de rêver avec toi, insista la Fumée.

— Non, ce n’est pas drôle. Tu fais partie de mon