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Page:London - Belliou la fumée, trad. Postif, 1941.djvu/125

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BELLIOU-LA-FUMÉE

son gré, riposta le croupier. Et je vous dirai franchement que nous aimerions autant voir jouer ailleurs votre associé.

— Son système vous donne la frousse, hein ? dit le Courtaud d’un air provocateur, au moment où le croupier payait les trois cent cinquante dollars.

— Je ne peux pas dire que ce soit un système, car je n’y crois pas. Il n’y a jamais eu de système capable de battre la roulette ou tout autre jeu de hasard. Mais, tout de même, j’ai vu d’étranges séries de veine, et je ne laisserai pas sauter cette banque si je puis l’empêcher.

— Vous avez le trac ?

— Le jeu est un commerce comme un autre, mon bon. Nous ne sommes pas des philanthropes. »

Les soirées se succédaient, et la Fumée gagnait toujours, bien qu’il variât sa méthode. En vain, l’un après l’autre, les joueurs experts pressés autour de la table prenaient note de ses mises et de ses numéros, et s’efforçaient de surprendre le secret de son système. Ils s’avouaient incapables d’y trouver un fil conducteur et juraient que c’était de la pure veine, mais qu’ils n’en avaient jamais vu une série si prolongée.

Ce qui les déroutait le plus était la diversité de son jeu. Parfois, consultant son carnet, ou perdu dans de longs calculs, la Fumée laissait passer une heure sans risquer une mise. Puis il gagnait trois maximums de suite et raflait quelque chose comme un millier de dollars en cinq ou dix minutes. D’autre fois encore, sa tactique consistait à prodiguer de simples jetons qu’il éparpillait d’une manière extraordinaire sur le tableau : il continuait ainsi pendant dix à trente minutes, puis, au moment où la bille accomplissait ses derniers tours de valse, il pontait tout à coup le maxi-