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BELLIOU-LA-FUMÉE

chariots à bœufs au milieu du siècle dernier, et cette dureté était encore renforcée chez lui par celle d’une enfance passée à la conquête d’une terre neuve.

« Tu mènes une vie déplorable, Christophe. J’ai honte de toi.

— Dans le sentier semé de primevères, hein ? » gloussa Kit.

L’aîné haussa les épaules.

« Ne secouez pas vers moi vos tresses sanglantes, digne avunculaire. Je voudrais bien que ce fût le sentier rempli d’ivresse. Mais il est barré pour moi.

— Alors, que diable ?…

— C’est le surmenage. »

Jean Belliou éclata d’un rire âpre et sceptique.

« Vraiment ? »

Le rire redoubla.

« Les hommes sont le produit de leur ambiance, proclama Kit en montrant du doigt le verre de son compagnon. Votre gaieté, cher oncle, est faible et âpre comme votre boisson.

— Le surmenage ! reprit l’autre d’un ton sarcastique. Tu n’as jamais gagné un cent de ta vie.

— Je vous parie que si, seulement je ne l’ai jamais touché. En ce moment même je gagne cinq cents dollars par semaine, et je fais le travail de quatre hommes.

— Des tableaux qui ne se vendent pas ? ou… hem !… des travaux de fantaisie ? Sais-tu seulement nager ?

— J’ai su, autrefois ?

— Ou monter à cheval ?

— J’ai risqué cette aventure. »

Jean Belliou renifla de dégoût.

« Je suis heureux que ton père n’ait pas vécu assez longtemps pour te contempler dans toute la gloire de